Le mal du pays

Le mal du pays

Attention pour les plus optimistes, en lisant cet article, vous risquez de sombrer dans une angoisse abyssale, de laquelle vous ressortirez avant la fin, je vous rassure. Cet article m’a pris beaucoup de temps et d’énergie, c’est difficile de parler en mal et en triste, je préfère tellement le contraire. Pour tous ceux qui veulent savoir plus en détail, comment je m’en suis sortie, n’hésitez pas à poser vos questions en utilisant l’espace pour les commentaires en bas de cet article, je vous réponds avec plaisir.

Je suis partie au bout du monde, sans grandes inquiétudes ou peurs, je ne voyais pas ce qu’il pourrait m’arriver, les craintes de mes amis et de ma famille me coulaient littéralement dessus. Je me voyais me prélasser sur la plage, mon Kindle dans une main et mon mojito dans l’autre. Je pensais à toutes les bonnes choses que j’allais pouvoir manger à travers les différents pays qu’on allait parcourir. Je me réjouissais de la dématérialisation. Sortir momentanément du système, de la consommation, la liberté de prendre le temps de penser. Vivre de moments simples, réaliser mes passions, prendre le temps de m’éduquer, me recentrer sur mes besoins fondamentaux. J’ai vendu sans aucun regret un tas de choses que j’avais mis des années à acquérir, aussi clinquantes que futiles.

Le mal du paysJe suis partie avec un bagage de 20kg, connaissant à peine le nom du premier hôtel dans lequel j’allais atterrir. Objectif premier, se déconnecter de tout et de tous, admettre que tout peut arriver et être d’accord avec ça. À part la tristesse des aurevoirs à l’aéroport, rien ne semblait ébranler mon enthousiasme. Je dirais même que c’était l’euphorie, l’inconscience, la folie sûrement.

Mais revenons à mon sujet, le mal du pays. Peut-être certains vont se dire à la lecture de ces lignes: on a essayé de te prévenir, on savait que ça ne serait pas si facile. Et bien pas moi. À aucun moment, je ne me suis dit que j’allais passer par cette foutue période.

Il ne s’agit en aucun cas de toutes ces craintes et barrières que la plupart de gens se fabriquent eux-mêmes, en se disant « je n’aurais jamais assez de courage» ou « jamais assez de moyens» ou encore « ahh mais tu te rends compte, et si jamais il m’arrivait quelque chose, ici au moins j’ai des amis ». Non, il ne s’agit de rien de tout ça.

J’en sors à peine et je me suis dit que c’était l’occasion de partager quelque chose de sincère, un sentiment si improbable que les gens qui tenteraient l’aventure doivent le savoir. Apparemment, c’est une étape obligatoire à un moment ou un autre de votre périple.

Le mal du pays d’origine ou de sa famille et puis de ses amis est une idée qui s’installe doucement, mais sûrement. L’excitation du début laisse place à un grand vide, à un tas de larmes et des idées obsessionnelles.

Ce n’est pas les choses qui nous manquent ou encore quelconque confort ou sécurité. La mondialisation fait bien les choses, tout est là et bien plus encore. Non, ce qui me manque le plus, c’est ma famille, mes frères et sœurs, l’idée que je ne vois pas leurs enfants grandir me rend profondément triste au point que mes yeux se noient de larmes à la simple idée d’y penser. Conseil n°1: assurez-vous qu’aucun de vos frères ou sœurs ne fassent d’enfant pendant votre périple 🙂

Nous sommes une fratrie incroyablement soudée, à toutes épreuves. Je sais que quand je rentrerai, ils seront là pour moi, tout ce que je leur demande, c’est de les retrouver heureux et encore plus beaux que quand je les aie laissés à l’aéroport. Malgré tout, durant « le mal du pays », rien n’arrive à me raisonner, je n’arrive pas à chasser ce mal de mon cœur. Jamais je n’ai connu une telle déprime, je n’ai jamais été aussi désœuvrée. Le sentiment de vide au paradis. L’âme en peine et le cœur lourd. Ma vie ou la vie de ma famille a eu été mille fois plus compliquée par le passé, mais jamais un tel sentiment de détresse émotionnelle n’avait réussi à prendre le dessus. D’où probablement l’illusion de super puissance, absence totale de quelconques craintes lors du départ.

Durant ces dernières années, il ne s’est pas passé un seul jour où je n’ai pas entrainé mon esprit à la pensée positive, créatrice; toute une philosophie de vie qui m’a permis de faire un tas de choses à travers le monde. Même cette force entrainée et très efficace en temps normal n’y faisait rien.

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S’ajoute à cela quelques détails, qui pour la plus part des gens peuvent sembler anodins, même stupides, mais qui pendant la phase « mal du pays » deviennent insupportables. Surtout pour une petite nature comme moi. Oui, pendant le mal du pays, on ne perçoit plus ses forces, on perd ses repères.

Poulet de Dully

Poulet de Dully

En Indonésie, le vin est surtaxé à 300%. Si vous êtes comme moi, que vous adorez le bon vin, vous pouvez tout bonnement vous mettre la corde au coup. Oui, pas de bons vins à un prix abordable ou si vous en trouvez, il ne vous reste plus qu’à hypothéquer la maison de vos parents. Deux ou trois autres choses pourraient venir à vous manquer aussi : les cordons-bleu d’une grande surface bien connue, le poulet croustillant au feu de bois et la sauce à salade d’un célèbre restaurant à Dully, la sauce à salade de Gsdaad (en réalité, elle vient d’une petite épicerie familiale de Schönried, vendue au litre. C’est une recette incroyable qui se marie avec tout. Pour moi, le summum, c’est avec les asperges ou les pâtes. J’en salive rien qu’en vous en parlant.) Vous devez vous dire, mais qu’est-ce qu’elle a avec ses sauces à salades… Moi aussi, je me demande, mais je dois admettre que c’est ce qui me manque… Idées obsessionnelles.

Ah non, j’ai oublié la fondue et la raclette me manquent aussi de temps en temps ou plutôt, l’environnement froid, adéquat pour en manger. En fait, on en trouve ici à Bali, personne ne nous interdit d’aller en manger, mais je vous laisse imaginer votre état après votre fondue, à une température de 38° et un taux d’humidité à 80%. La nuit qui a suivi, la seule fois où on a mangé une fondue en Asie était absolument terrible, sueurs nocturnes, acide gastrique, hallucinations et j’en passe… ok j’exagère mais j’ai le droit, j’ai le mal du pays!

RacletteRécemment, cette mauvaise expérience a été mise au placard par une super raclette, les soirées se rafraîchissant à Bali, l’été tambourinant à la porte, le soir, il devient plus facile d’aller manger un plat typiquement européen. C’était super bon, un petit restaurant suisse sur la Jl. Legan, portion de 200g, juste ce qu’il faut. Ils font même une offre spéciale en ce moment, une achetée une offerte, 230K Rp par personne.

Pendant le mal du pay il se pourrait que des mauvaises idées vous passent par la tête. Ne succombez pas aux pulsions d’achat qui pourraient momentanément vous aider, mais qui à long terme ne feront que vous nuire. Il y a au moins un truc qui ne me manque pas ici, c’est la consommation de tout et n’importe quoi, n’importe quand. Même si le bon vieux capitalisme d’oncle Sam est rampant et que McDonald’s est foutrement bien implémenté, qu’il y a des milliers de magasins partout, l’envie d’acheter à tout va me passe totalement au-dessus, ce qui m’amène et je profite de cet article pour critiquer le consumérisme, la course à la croissance positive et bien trop souvent au dépens des plus pauvres.

À Bali, on se garde bien du sentiment d’individualisme, on vit avec et pour la communauté, coûte que coûte. On croit à un tas de choses invisibles et on laisse le gouvernement faire ce que bon lui semble. À tout bien considérer, la démocratie et la rigueur suisse me manquent quand même, la justice arbitraire, généralement perpétrée en Asie, me terrorise.

Je vous avais dit, ce n’est pas un sujet pour les optimistes. 🙂

Partir, c’est apprendre, grandir, apprécier, tolérer, mais aussi pleurer, craindre, tomber… Puis se relever et repartir en ayant appris à se maitriser.

Le monde est si vaste et les autres si différents. Se laisser la chance de voir et de vivre le monde dans toutes ses couleurs et sa beauté, ainsi que sa plus parfaite laideur fait partie de la vie. Et il me semble qu’on est bien là pour ça : vivre, aimer, souffrir et mourir.

Prendre conscience de l’immensité du monde peut être parfois un poids ou une extraordinaire révélation, pour moi, c’est sans aucun doute et malgré le mal du pays, une fantastique aventure. J’espère renter un jour en Suisse en ayant appris la tolérance et probablement comme ultime objectif, mettre en pratique cette belle expression qui n’est pas de moi, mais que j’aime beaucoup et à laquelle j’aspire sincèrement « vivre en portant sur le monde un regard sans haine ».

Je suis désormais sortie de ce “mal du pays”. Je réalise que si la nostalgie s’est cristallisée sous forme de sauce à salade, c’était aussi et surtout parce qu’elle avait besoin d’être partagée. Au fil de ce récit, c’est chose faite, et je me sens encore mieux.




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